La critique dans et à travers les organisations : une approche narrative
13/12/2021 à 15h00
M. Romain VACQUIER présente ses travaux en soutenance le 13/12/2021 à 15h00
À l'adresse suivante : Place du Maréchal de Lattre de Tassigny 75016,Paris - Salle des thèses D520
En vue de l'obtention du diplôme : Doctorat en Sciences de Gestion
La soutenance est publique
Titre des travaux
La critique dans et à travers les organisations : une approche narrative
École doctorale
École doctorale Dauphine SDOSE
Équipe de recherche
UMR 7088 - Dauphine Recherches en Management
Section CNU
06 - Sciences de gestion et du management
Directeur(s)
Mme Stéphanie DAMERON
Membres du jury
Nom | Qualité | Établissement | Rôle |
---|---|---|---|
Mme Stéphanie DAMERON | Professeur des universités | UNIVERSITE PARIS DAUPHINE - PSL | Directrice de thèse |
M. Jean-Pascal GOND | Full professor | Bayes Business School | Rapporteur |
M. Christophe TORSET | Professeur des universités | Université Paris-Est Créteil | Rapporteur |
M. François-Xavier DE VAUJANY | Professeur des universités | UNIVERSITE PARIS DAUPHINE - PSL | Examinateur |
M. Thibault DAUDIGEOS | Professeur | Grenoble Ecole de Management | Examinateur |
Mme Linda ROULEAU | Professeur | HEC Montréal | Examinatrice |
Résumé
Sous l’effet du projet des Lumières de la fin du XVIIIe siècle, de la démocratisation de l’enseignement et de l’essor des sciences sociales, critiquer est devenu aujourd’hui une capacité banalisée qui n’est plus réservée à une élite intellectuelle. Les organisations sont concernées par une telle extension du domaine de la critique dans le monde social. Non seulement, car elles sont traversées par un nombre grandissant de critiques provenant de leurs membres ou de leurs audiences externes, mais aussi, car elles contribuent aussi à cette extension de la critique lorsque leur raison d’être est celle de porter une transformation dans le monde social, à l’image par exemple des associations de patients qui se constituent pour dénoncer un scandale sanitaire. Les études des organisations portent depuis peu un regard sur un tel phénomène. C’est en particulier le cas des travaux qui s’appuient sur le courant de la sociologie pragmatique de la critique, qui propose depuis le milieu des années 1980 de prendre au sérieux les capacités critiques des acteurs du monde social et qui connaît un intérêt émergent dans le champ des études des organisations. Celles-ci ont à ce jour bien montré les mécanismes de résolution ou de prévention de la critique à plus ou moins large échelle dans les organisations. Cependant, ces études reprennent l’hypothèse d’acteurs déjà capables de critiquer, c’est-à-dire déjà munis d’arguments apprêtés à la lutte pour faire reconnaître leurs prétentions à transformer la réalité. De ce fait, ces études laissent dans l’ombre les raisons qui poussent ces acteurs à sortir de leur réalisme pour formuler des critiques ainsi que le chaînage d’actions par lesquelles ils parviennent à les faire reconnaître. Ainsi, cette recherche doctorale pose la problématique suivante : comment des critiques émergent, se développent et produisent des transformations dans ou à travers des organisations ? Cette recherche doctorale propose une approche narrative de la critique, car cette dernière repose sur une opération langagière de mise en intrigue. Pour explorer les différents aspects de cette problématique, nous proposons trois explorations empiriques qualitatives qui se présentent sous la forme de projets d’article. Le premier projet s’intéresse au processus d’Issue Selling, le second à la gestion organisationnelle d’un stigmate, et le troisième à la formation d’un scandale. Au-delà des contributions propres aux champs de littérature spécifiques à chaque article, leurs résultats nous permettent de dégager trois contributions sur la base de notre problématique. Notre première contribution est de montrer qu’une critique émerge à partir d’une « brèche » dans l’expérience de la réalité qui ne se situe pas d’emblée sur le plan les grands systèmes d’attentes morales, mais sur le plan éthique de plus courte portée que nous dirons d’une « vie bonne » pour soi-même et avec les autres (Ricoeur, 1990, p. 208). La seconde contribution est de montrer que le développement d’une critique s’effectue depuis deux espaces relationnels que nous appelons les coulisses et la scène. Orientées vers l’éthique, les coulisses se traduisent par l’agrégation rhizomique de fragments de récits au sein d’un collectif dans des situations informelles. Orientée vers la morale, la scène se traduit quant à elle par la présentation de la critique sous la forme d’un récit unique organisé autour d’une intrigue dans des situations formelles de mise à l’épreuve par des audiences externes qui disposent d’un pouvoir de sanction sur la critique. La troisième contribution est d’ajouter aux travaux existants quatre menaces qui pèsent sur la critique dans et à travers les organisations : le tropisme moral sur la critique, le repli éthique de la critique, la violence interne et externe ainsi que finalement le délitement de la critique. Nous identifierons enfin en miroir les réponses apportées à ces menaces qui sont l’ambiguïté, la délibération morale, et enfin la sensibilisation éthique.