Hommage de Patrice Geoffon à Samuel Paty
« Je vous remercie de votre présence pour rendre hommage à notre collègue Samuel Paty. C'est une douloureuse fierté aujourd'hui de faire partie de la communauté éducative. Je n'évoquerai pas ici les Idées des Lumières ou les Lois de la République qui ont occupé le débat ces jours derniers, mais plutôt ma perception des obligations que crée ce drame, pour notre Université.
Pour cela j'aimerais tout d’abord partager avec vous un témoignage de Philippe Chalmin, professeur d'histoire dans notre université, et qui relate un atelier consacré au thème « Spiritualités et mondialisation ». Les circonstances ont fait que cet atelier, au sein de son Master, s’est déroulé vendredi matin, le jour du drame qui nous réunit.
Philippe nous dit : « Cet atelier vise à présenter les grandes spiritualités de la planète et éventuellement leur rapport aux questions économiques. […]. Les propositions (d’exposé) ont fusé… Au même moment, à quelques dizaines de kilomètres de là, un jeune collègue, professeur d’histoire comme moi, était égorgé et décapité pour avoir illustré son cours sur la liberté d’expression par des caricatures de Mahomet ».
Il me semble que ce drame nous crée des obligations, ici à Dauphine.
L’obligation de nous rappeler que si nous pouvons, comme nous y invite Raymond Aron, conduire notre mission de former des citoyens « critiques et responsables », c’est parce que des collègues ont assumé les leurs avant nous, dans des conditions que nous comprenons mieux aujourd’hui, et qui sont parfois éclairées d’un jour cruel. Sans doute faudra-t-il nous investir plus encore dans nos efforts pour tisser des liens avec ces collègues qui nous confient leurs élèves.
L’obligation de rester une université qui débat librement, ce que nous nous sommes efforcés de faire au mieux, au cours de ces dernières semaines. Je tiens à souligner que les seules manifestations drainant un public important que nous avons préservées sont la réception de responsables politiques invités et questionnés par des associations étudiantes. Et, par ailleurs, s’ouvre, ce vendredi, la campagne électorale qui aboutira à installer une nouvelle présidence, et qui sera un moment intense de débat d’idées dans notre collectivité, débat essentiel de démocratie universitaire.
L’obligation, à l’évidence, de rester une université ouverte au pluralisme de notre société, ce dont témoigne notre programme « égalité des chances ». Et ouverte au monde, notamment par sa présence en Afrique, en particulier via notre campus de Tunis.
La nécessité, enfin, de relier ce drame à celui qui nous a endeuillés, en août dernier, avec la disparition de Myriam Dessaivre, diplômée de notre Master Peace Studies, dans un attentat au Niger, et dont l’un de nos amphithéâtres pourrait porter prochainement le nom.
Samuel Paty était, lui aussi, un pacificateur.
Je vous propose, comme c’est le cas dans tous nos cours en ce même moment, dans nos murs ou à distance, de respecter une minute de silence à sa mémoire ».
Patrice Geoffon, administrateur provisoire de l'Université Paris Dauphine - PSL
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