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Comment modéliser les effets des températures extrêmes, chaudes et froides, sur les revenus des agriculteurs français ?

Cet article présente une recherche avec Clément Nedoncelle1 sur les effets distributifs des températures extrêmes sur le revenu des agriculteurs en France. Nous montrons que les températures extrêmes, chaudes et froides, ont un effet négatif significatif sur le revenu des agriculteurs, et que ces deux extrêmes ont des conséquences distributives qui sont opposées.

70 milliards des dépenses de la PAC relèvent du soutien aux revenus des agriculteurs

Le revenu des producteurs agricoles a toujours été un enjeu important avec la Politique Agricole Commune (PAC) : 70 milliards des dépenses de la PAC relèvent du soutien aux revenus des agriculteurs, dont 10 milliards pour la France. Historiquement, la PAC poursuit également l’objectif redistributif d’assurer un revenu équitable au sein de la population agricole.

Ces dernières années, une attention croissante a été portée aux effets du changement climatique sur l’économie. L’agriculture occupe une place particulière dans ces travaux puisqu’on s’attend à mesurer des effets importants de la météo et du climat sur ce secteur économique. Plusieurs variables sont étudiées comme la valeur des sols ou la production agricole, et ce dans différentes régions du monde. Dans la majeure partie de ces études, il s’agit de quantifier un effet marginal d’une augmentation de la température ou des précipitations. 

Les chercheurs utilisent les données historiques pour informer sur les coûts économiques du changement climatique, en extrapolant les effets des variations passées de la météo sur des variables ou des grandeurs agricoles. Certains travaux ont porté sur des événements extrêmes, le plus souvent des ouragans ou des tempêtes. D’autres travaux, très récents, interrogent les effets distributifs des chocs climatiques.

Des travaux qui interrogent les effets distributifs des chocs climatiques

Dans la majeure partie de ces études, il s’agit de quantifier un effet marginal d’une augmentation de la température ou des précipitations. Les chercheurs utilisent les données historiques pour informer sur les coûts économiques du changement climatique, en extrapolant les effets des variations passées de la météo sur des variables ou des grandeurs agricoles. Certains travaux ont porté sur des événements extrêmes, le plus souvent des ouragans ou des tempêtes. D’autres travaux, très récents, interrogent les effets distributifs des chocs climatiques.

Notre contribution consiste à quantifier l’impact des températures extrêmes sur le revenu des agriculteurs, et d’évaluer l’hétérogénéité de ces impacts dans la distribution du revenu. Elle porte sur les producteurs français céréaliers, et articule trois bases de données :

  • une base de données pour disposer d’informations individuelles sur les agriculteurs (Réseau d’information comptable agricole (RICA)), issues d’une enquête auprès d’un panel représentatif de la population agricole française ;
  • les données météorologiques journalières, produites par Météo France ;
  • des informations sur la qualité des sols, qui influence assez largement la production agricole.

Analyse des données météorologiques journalières

Les données météorologiques journalières permettent de construire, pour chaque commune, une distribution de référence – les températures observées entre 1988 et 2002. On considère comme extrêmes toutes les températures qui, de 2002 à 2017, sont dans les top- ou bottom-10 % des températures, territoire par territoire. 

Moyennes annuelles des degrés jours extrêmes chauds de 2002 à 2017  en France. Les barres d'erreur représentent les écarts-types

Figure 1 : Moyennes annuelles des degrés jours extrêmes chauds de 2002 à 2017 
en France. Les barres d'erreur représentent les écarts-types.

La figure 1 présente l’évolution de ces températures extrêmes sur l’ensemble de la France. Un indicateur de fortes précipitations est construit de la même façon. Dans chacun des cas, on se base uniquement sur la période de croissance, soit du 1er avril au 30 septembre.

Une augmentation de 10 % des extrêmes chauds réduit le revenu des agriculteurs de 1,3 %

Notre analyse conduit à constater qu’une augmentation de 10 % des extrêmes chauds réduit le revenu des agriculteurs de 1,3 %. Pour les extrêmes froids, l’effet négatif est également significatif, mais plus léger (-0,5 %).

En termes distributifs, les événements extrêmes chauds ont un impact plus important sur les plus hauts revenus, alors que les événements extrêmes froids ont un impact plus important sur les plus bas revenus.

Figure 2 : Résultats de la régression par quantile pour les extrêmes chauds (degrés jour). 
La ligne rouge représente l’estimateur OLS standard (pleine) et l’écart-type (hachurée).

Une explication possible de ces effets différentiels peut être les types de cultures (blé, colza, maïs, orge) ou la localisation (Nord/Sud), qui ne sont pas indépendants des revenus des agriculteurs.

Les extrêmes chauds et froids ont donc un effet négatif sur le revenu des producteurs céréaliers en France. L’analyse distributive révèle des effets qui sont opposés entre les événements froids et les événements chauds. Les extrêmes froids de température ont tendance à augmenter les inégalités, alors les extrêmes chauds de température ont tendance à les réduire. Cela pourrait être expliqué par un effet de culture ou un effet région.
Il conviendrait d’interroger les capacités d’adaptation à ces températures extrêmes. Existe-t-il des stratégies pour les agriculteurs pour moins subir ces événements extrêmes ? 
Nous pourrions également dresser des scenarii en fonction des prévisions de changement climatique dans les années à venir.


Références

  1.   Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech, Paris-Saclay Applied Economics, 91120, Palaiseau, France.

Les auteurs