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L'état du management 2024 - Chapitre I | La formation de la légitimité organisationnelle : entre intentionnalité stratégique et émergence collective.

Anaïs BOUTRU, Maître de conférences, Université Paris Dauphine – PSL, DRM


Dans le contexte environnemental, social et politique actuel, la question de la légitimité organisationnelle est un enjeu central pour le monde des affaires, et au-delà. Entendue comme une perception généralisée selon laquelle les actions d’une entité sont désirables, souhaitables ou appropriées au sein de son système social, la légitimité organisationnelle - qu’elle soit de nature cognitive, morale ou pragmatique - s’apparente à un continuum composé de niveaux, paliers et degrés. 
À certaines conditions et selon certains facteurs atténuants ou contraignants, une organisation est acceptée ou, au contraire, remise en cause.  

La légitimité, d’une importance vitale pour les organisations, devient donc l’objet de nombreuses stratégies pour la (re)construire, la maintenir, la défendre. Certaines d’entre elles, qui portent sur l’environnement de l’organisation, contribuent à la rendre conforme aux attentes légales, économiques, sociales, politiques ou encore technologiques de son secteur. 
Elles peuvent également consister à modeler le champ institutionnel de l’entreprise à son avantage (par le recours aux lobbies, notamment). Au niveau individuel, un autre type de stratégies vise à faciliter l’effort mental de jugement pour qu’intuitivement l’organisation soit jugée légitime. Le recours à la rhétorique, au parrainage par des personnalités connues et largement appréciées, aux objets et lieux (l’adresse prestigieuse d’un siège social par exemple) contribue à construire cette légitimité allant de soi.  

Pour autant, l’environnement et les individus ne constituent pas une audience homogène, crédule et passive face à ces stratégies d’édification de légitimité. Il apparaît au contraire qu’elles déclenchent un processus social animé par le dialogue (et non des discours !) entre des collectifs d’acteurs interreliés composés d’individus, de groupes, d’institutions concernés par l’organisation. 
La légitimité se forme ainsi de manière ouverte à travers des échanges qui, s’ils peuvent générer d’éventuels désaccords et conflits, ouvrent la voie à une forme de négociation sociale relative au projet à légitimer.

Ces interactions constituent autant de moyens qui conduisent l’entité concernée, à travers ses actions, à être acceptée, souhaitée, légitime. Concrètement, il peut s’agir d’inclure les salariés dans le processus de décision stratégique d’une entreprise, de prévoir des moments d’échanges sur les règles de mise en œuvre de cette stratégie, de développer une culture du dialogue aussi bien verticalement (entre direction / parties-prenantes) qu’horizontalement (entre les différents types d’acteurs).  

Finalement, la formation de la légitimité organisationnelle constitue un double mouvement, à la fois intentionnel et émergent. C’est un processus animé par des stratégies et par de l’indétermination liée à la résistance et à son appropriation de la part des acteurs sociaux, individuels et collectifs.  

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Cet article est le résumé d'un chapitre de L'état du management 2024, qui dresse le panorama annuel des recherches du laboratoire Dauphine Recherches en Management (DRM).

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