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L'état du management 2024 - Chapitre VI | Vers une prise de conscience des enjeux éthiques des matières textiles par les consommateurs dans le cadre de la transition écologique.

Edith de Lamballerie, doctorante, Université Paris Dauphine – PSL, DRM
Valérie Guillard, Professeur des universités, Université Paris Dauphine – PSL, DRM


Les résultats présentés dans ce chapitre sont issus de l’analyse de 30 entretiens qualitatifs réalisés par des chercheures et deux étudiantes du Master 1 Marketing & Stratégie de l’Université Paris Dauphine - PSL. Ils s’inscrivent dans la continuité d’un article paru en 2023 :  
DE LAMBALLERIE, E. & GUILLARD, V. [2023], « Vers une prise de conscience des enjeux éthiques des matières textiles par les consommateurs dans le cadre de la transition écologique », Recherche et Applications en Marketing (French Edition) vol 38 n°3, pp.7–34.

Dans un contexte de sobriété des modes de vie contraints par les enjeux climatiques, l’acquisition de vêtements de qualité est un enjeu majeur pour renouveler moins fréquents les garde-robes et augmenter l’usage des vêtements. Ce chapitre s’attèle à saisir comment les consommateurs conceptualisent la qualité d’un vêtement, retenant une approche de la qualité centrée sur l’utilisateur. 

Dans la littérature, la qualité des vêtements est en ce sens définie comme un jugement subjectif. Elle est constituée de différents attributs : style, matières, couleur, réparabilité, solidité, soutenabilité (environnement et éthique), etc. Les travaux sur le sujet questionnent toutefois car ils placent tous les attributs au même niveau. Pourtant, certains s’apprécient dans l’usage et l’expérience, comme la solidité, quand d’autres, principalement le style ou la couleur, s’apprécient à l’acquisition. L’attribut de soutenabilité questionne, car il parait occuper une position plus transversale. 

Selon la temporalité, le jugement de qualité et les attributs pris en compte ne sont donc pas les mêmes. De plus, selon cette conception de la qualité, certains attributs peuvent entrer en contradiction. En effet la solidité peut caractériser certains vêtements bien que la soutenabilité, du fait des modes de production des matières utilisées et des types de matières, ne soit pas au rendez-vous. Le périmètre et la définition du concept doit donc être discuté. Enfin, il apparait que toutes les dimensions qui constituent le vêtement, notamment sa matière, n’appellent pas le même niveau de conscience. 

En effet, la conscience présente différents niveaux. Un premier niveau perceptuel et du vécu qui se traduit, dans le cas des matières textiles, par le fait de trouver un vêtement doux, agréable, etc. Un second d’ordre supérieur, appelé conscience réflexive, qui se traduit notamment par la prise en compte des enjeux de sa consommation sur le vivant et constitué de deux dimensions. La durabilité du vêtement qui correspond à la capacité des matières textiles à « faire durer » le vêtement, et les impacts sur le vivant, qui correspondent aux conséquences de la production des matières (soutenabilité). Les travaux existants font peu le lien entre la conscience des matières textiles et la manière avec laquelle les consommateurs abordent la notion de qualité dans le cas des vêtements. Ce chapitre tente d’apporter un éclairage sur ce point.  

L’enquête qualitative a permis de mettre au jour que la matière occupe une place particulière dans le jugement de la qualité du vêtement par les consommateurs. La matière est d’une part appréhendée au même titre que d’autres attributs constitutifs de la qualité du vêtement comme le lieu de confection, et d’autre part appréhendée pour elle-même. Dans les deux cas la solidité et la résistance sont constitutives de la qualité et différents niveaux apparaissent, correspondant à une conceptualisation graduelle de la qualité. 
Les personnes interrogées parlent tout d’abord majoritairement de la qualité des vêtements. Celle-ci porte sur la confection, qui couvre la façon de produire le vêtement, du patronage, la découpe, la couture aux finitions. Certaines évoquent aussi des considérations environnementales et éthiques : le lieu de confection ou encore la production de déchets. Une prise en compte des impacts sur le vivant s’effectue alors, avec une appréhension de la qualité s’effectuant à un niveau supérieur. Dans une moindre mesure ensuite, les personnes rencontrées évoquent la qualité des matières en parlant du type de matière (naturelle, synthétique etc.) pour en évaluer la noblesse ou la pureté (pas de mélange), des caractéristiques physiques (épaisseur, douceur, etc.) des matières ainsi que, dans de rares cas, de leurs caractéristiques environnementales et éthiques avec une prise en compte de leurs impacts sur le vivant, ce qui correspond à une appréhension de la qualité à un niveau supérieur.  

Enfin, l’analyse des entretiens permet de mettre en lumière les modalités d’appréciation de la qualité de la matière et/ou du vêtement. Tout d’abord, la qualité s’apprécie par le sensoriel (la vue, le toucher, les effets par et sur le corps), ce qui relève du premier niveau de conscience (perceptuel, vécu). Lorsque l’appréciation porte sur des caractéristiques environnementales et éthiques, la qualité est appréciée à un niveau supérieur, celui de la conscience réflexive. Enfin, la qualité s’apprécie lors de l’achat et dans l’usage. Lors de l’achat, les personnes peuvent privilégier le style, notamment lorsque l’appréciation de la qualité ne se fait pas au niveau supérieur et que les impacts sur le vivant ne sont pas pris en compte. Il apparait que la qualité du vêtement et de la matière se révèle en revanche souvent à l’usage, notamment à l’entretien.  

Ainsi, la recherche présentée dans ce chapitre propose de définir la qualité comme un degré d’appréciation de différents attributs composant la matière et les vêtements ainsi que de leurs conséquences sur le vivant, et rend compte de la façon dont les consommateurs l’appréhendent. L’analyse permet de mettre au jour les attributs de la qualité perçue d’un vêtement, notamment ce qui relève de la qualité du vêtement et celle de la matière, ainsi que leur appréhension. L’analyse révèle également que les impacts sur le vivant (sols, animaux, flore, humains) ne sont pas toujours conscientisés et associés à la qualité de la matière et du vêtement, et donc pas toujours pris en compte.  

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Cet article est le résumé d'un chapitre de L'état du management 2024, qui dresse le panorama annuel des recherches du laboratoire Dauphine Recherches en Management (DRM).

Les auteurs