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Dossier | Dauphine Digital Days 2022 "IA & société" - Les actes #1

Améliorer les instances européennes pour mieux réguler les plateformes numériques

Publié dans IA & Numérique 4 mn - Le 23 novembre 2023

Le règlement européen est porteur de solutions, mais aussi d’interrogations…

Giorgio Monti, enseignant-chercheur en droit de la concurrence à Tilburg University (Pays-Bas)

Le DMA n’est pas anodin : il apporte un véritable changement culturel et permet de considérer différemment la régulation. L’objectif de ce texte est de construire des outils, pour mettre en application ces 18 règles destinées aux « gatekeepers » (les contrôleurs d’accès, soit les grandes entreprises du secteur). Voici quatre clefs de compréhension de ce sujet complexe. Certaines figurent déjà dans le DMA, d’autres pourraient y être implémentées.

Changement de paradigme

Le premier : la conformité et la supervision. Selon le DMA, le contrôleur d’accès doit assurer et démontrer la conformité avec ses obligations. La règle est claire : il n’appartient pas à une commission ou à un régulateur de prouver une faute, mais au régulé de montrer qu’il respecte la loi, de façon transparente. Sur ce point, le fardeau (et le coût) s’est ainsi déplacé, passant du régulateur au régulé ! C’est à l’entreprise de construire un rapport à ce sujet, pour montrer patte blanche.

L’entreprise pourrait se servir de cette opportunité pour aller plus loin, en consultant ses consommateurs, par exemple. Que pensent-ils de ces problématiques ? Le fait de mettre en avant qu’elle a testé plusieurs options et choisi la meilleure montre qu’elle est proactive dans ce rôle de conformité, en tranchant pour la solution la plus pertinente pour elle et pour ses usagers. Autre nécessité dorénavant : chaque entreprise du secteur devrait faire appel à un responsable de la conformité, indépendant, pouvant mener des audits internes et apporter des conseils quant à la conformité avec le DMA.

Cela ne suffit cependant pas. L’entreprise doit vérifier dans le temps qu’elle tient bien ses engagements en matière de conformité. Une version non confidentielle du rapport devrait également être disponible, permettant aux utilisateurs de le consulter. Et de porter plainte en cas de non-conformité. Autant d’exigences pour les fameux « gatekeepers », leur permettant par la même occasion de s’auto-réguler et s’auto-évaluer.

Régulation et expérimentation

Deuxième point important sur cette thématique : la régulation réactive. Si d’elle-même, l’entreprise ne se met pas en conformité, après une première phase informelle, un dialogue plus encadré peut se mettre en place. Et si les problèmes ne sont toujours pas réglés, il faut passer à des sanctions systématiques ! Néanmoins, il est nécessaire de commencer par la première phase, et d’encourager les groupes à s’auto-réguler. Cela n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour les « gatekeepers », il peut y avoir des avantages à respecter ces règles. Déjà en termes de communication : afficher aux usagers que l’on a fait le travail, et qu’ils en bénéficient.

Troisième suggestion : une expérimentation de la gouvernance. L’idée : le régulateur met en place des règles, puis il observe les résultats, et les impacts. La question se pose : les consommateurs sont-ils mieux protégés ainsi ? Le DMA a l’avantage d’être assez flexible, permettant d’avancer, de tester, de modifier. C’est un processus itératif et dynamique, basé sur la connaissance du marché.

Vision de long terme

Enfin, et ce dernier élément est essentiel : le lien entre les firmes et les autorités nationales. L’Allemagne, notamment, se montre proactive pour jouer un rôle plus important sur ces problématiques. La question est la suivante : est-ce que le DMA et le DSA posent des questions constitutionnelles ? Faut-il repenser le rôle des régulateurs nationaux ? C’est finalement la même problématique aux États-Unis, avec une Californie qui innove. Aujourd’hui, il semble que les réglementations nationales ne suffisent plus. L’Europe a par exemple, sur cette question, un rôle de supervision et de pilotage.

Le plus important est de garder une vision de long terme. Il faut se demander clairement ce que l’on attend du DMA. Dans cinq ans, à quelle technologie s’attend-on ? À quoi ressemblera notre téléphone ? Il nous faut un périmètre clair de marché, ce qui est difficile, car il évolue très rapidement. Il y a en tout cas d’immenses opportunités pour engager tout ce processus, en lien avec les entreprises du privé. Nous verrons désormais si nous parvenons à nos fins…